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Agents de sécurité au Bénin: sans contrat, mal payés, brimés et réduits au silence !

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Impossible de franchir le seuil du portail des administrations publiques ou privées et parfois certaines résidences sans rencontrer ces hommes ou femmes en uniforme marron qui filtrent les entrées et les sorties. On les retrouve également sur des chantiers de construction d’infrastructures assurant la sécurité des matériaux et matériels de travail. Au niveau des institutions bancaires et diplomatiques, ils complètent les militaires qui y montent la garde. Leur présence est souvent aussi remarquable sur des lieux de spectacle.

Une du journal Le Grand Regard du vendredi 21 juin 2024
Une du journal Le Grand Regard du vendredi 21 juin 2024

Ils peuvent également exécuter d’autres tâches telles que le transport de fonds ou l’escorte de personnalités publiques. Eux, ce sont les agents de sécurité privée. C’est une filière qui emploie des personnes âgées de 18 à 60 ans et parfois au-delà de cette tranche. Généralement, ils n’ont aucun lien avec les institutions ou les personnes dont ils assurent la sécurité. Ce sont des employés des sociétés de sécurité et de gardiennage souvent créées par d’anciens fonctionnaires de la police.

Un travail par défaut et par nécessité

Dans cet univers, il est rare voire quasi impossible de rencontrer un agent qui exerce ce travail par vocation. Pour la plupart du temps, au Bénin, on devient agent de sécurité privé par défaut, soit pour échapper au chômage en attendant de trouver mieux à faire, soit pour régler un problème ponctuel. « Je suis étudiant issu d’une famille pauvre. Étant ici pour mes études universitaires, j’ai choisi de faire ce travail les nuits pour subvenir à mes besoins », témoigne B.Y. montant la garde devant une institution de micro finances à Parakou.

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Souleymane, la cinquantaine environ, assure la sécurité dans une structure parapublique à Parakou, il justifie aussi sa présence dans cette corporation par des circonstances particulières. « Moi, j’étais un agent du Coteb, je ne pouvais pas imaginer qu’un jour, je serai en train de faire ce travail. Mais comme c’est mieux que le vol, j’ai accepté ça parce que là où je travaillais est fermé, or, j’ai des charges à supporter », détaille le quinquagénaire. Boniface, âgé de 25 ans, orphelin de père et de mère, matelassier de formation, fait ce travail en parallèle avec la conduite de taxi moto pour rapidement réunir les moyens lui permettant de créer son atelier.

Une formation minimale et des conditions précaires

Ainsi, en dehors de quelques rares sociétés de sécurité privée au Bénin qui exigent au moins le Brevet d’Étude du Premier Cycle (BEPC), le niveau d’études importe très peu dans le recrutement des agents de sécurité, surtout lorsqu’il s’agit des personnes déployées sur des sites qui demandent moins de contact avec le public. Il suffit aux candidats de jouir de toutes leurs facultés physiques. Les dossiers, composés des documents basiques de l’état civil ainsi que d’un certificat de résidence et d’une copie du diplôme le cas échéant, sont déposés à la direction de la société qui recrute. Il n’y a souvent pas de test. La formation se résume généralement à un rappel de quelques principes de sécurité, notamment la vigilance, l’éveil et la discrétion. Une fois recruté, l’agent doit éviter de somnoler, de boire de l’alcool ou de fumer aux heures de travail sous peine de sanctions.

Il n’y a souvent pas de contrat de travail écrit entre ces employés et les sociétés qui les emploient. Dès que le dossier est validé, l’agent est déployé sur le terrain par l’entremise d’autres employés qui jouent le rôle de contrôleurs sur les sites où sont placés ces agents. Ces contrôleurs parcourent chaque site pour s’assurer que chaque agent est à son poste et assume correctement le travail pour lequel il est déployé.

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Le rôle crucial des contrôleurs dans la vie des agents

Le contrôleur est un employé d’un rang hiérarchique légèrement supérieur aux agents de sécurité. Pratiquement des demi-dieux dans ce métier où les employeurs sont inaccessibles aux agents de sécurité, le contrôleur est souvent un agent ayant acquis plusieurs années d’expérience au sein de la société et ayant au moins le niveau du baccalauréat, ou parfois un ancien militaire ou policier. Il fait la ronde pour rédiger des rapports sur tout ce qui se passe sur chaque site à ses supérieurs hiérarchiques. La carrière de chaque agent dépend de ces rapports. « Tu dois être en bons termes avec le contrôleur, sinon ce n’est pas bien. S’il écrit dans son cahier qu’il t’a vu en train de dormir, on te déduit de l’argent de ton salaire », confie B.Y.

Généralement, c’est lui qui apporte le salaire aux agents. Cependant, à ce niveau, certains contrôleurs peuvent rendre la vie difficile aux agents. « J’ai travaillé pour une autre société de sécurité chargée de surveiller un pylône d’un réseau GSM. Nous étions deux sur le site. C’est notre contrôleur qui nous apportait notre salaire. Il y a eu un moment où nous avons manqué notre salaire pendant cinq mois. Il nous disait que le DG était en voyage ou que le réseau GSM n’avait pas encore déposé le chèque », raconte tristement Sylvain G., un agent âgé de 57 ans sans aucun niveau d’étude.

« Quand nous avons commencé à murmurer et menacer de nous rendre à la direction, il nous a payé le salaire de deux mois chacun la semaine suivante. Puis, il nous a remplacés par d’autres en prétextant que lorsqu’il venait, il ne nous voyait pas souvent au poste », déplore cet agent.

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Des conditions de travail difficiles et des droits bafoués

Ils sont rares à être payés au Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG). Sauf dans quelques sociétés de sécurité privée qui s’efforcent de respecter les exigences du code du travail, le reste du secteur est un univers de non-droit. Ces sociétés décrochent de gros contrats avec leurs partenaires mais ont du mal à déclarer les agents à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. Pire encore, en cas de maladie, aucun soutien n’est accordé à l’agent, qui est souvent remplacé. Il est donc fréquent de parler de licenciement abusif dans ce secteur. Quelques agents licenciés abusivement réussissent à porter plainte à la Direction du Travail et de la Main d’Å’uvre, mais étant pour la plupart analphabètes, ils se remettent à Dieu et continuent de se débrouiller.

Pour la plupart du temps, ils font douze heures de travail par jour. N’étant pas une carrière envisagée et tous dans la perspective d’exercer ce travail pour un temps bref, ils ont du mal à s’organiser en association ou en syndicat pour revendiquer leurs droits. Cela laisse le champ libre à toutes sortes d’abus.

Nos efforts pour obtenir l’avis des responsables d’une société de sécurité ont été vains, tout comme nos questions adressées à un contrôleur qui estime qu’il ne peut rien dire sans l’autorisation de ses supérieurs hiérarchiques.

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